OCCUPER, RÉSISTER, PRODUIRE Autogestion ouvrière et entreprises récupérées en Argentine

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Andrés Ruggeri, Editions Syllepse, France, abril 2015

Les entreprises récupérées sont en général considérées comme un des nouveaux mouvements sociaux parmi ceux qui ont émergé dans la foulée de la débâcle de l’économie argentine en décembre 2001. Mais le mouvement des entreprises récupérées est particulièrement significatif de par ses caractéristiques : il se développe au cœur même de ce qu’il y a de plus sacré : au sein des relations sociales capitalistes, à savoir la propriété privée des moyens de production. Ce processus a démontré la possibilité d’une économie et d’une société sans patrons gérée par les travailleurs. Il s’agit ici bel et bien d’autogestion, dont la problématique peut ainsi être envisagée à l’échelle de la société tout entière. Cette possibilité a attiré des intellectuels et des militants sociaux et politiques du monde entier, nombre d’entre eux voyant dans ce phénomène une alternative au processus global de mondialisation néolibérale. De ce point de vue, les entreprises récupérées et leurs salariés se sont convertis en dépositaires d’un espoir de changement social inimaginable, renouant avec la tradition des coopératives du 19e siècle et celle, bien connue, ici en France, des Lip qui «fabriquaient, vendaient et se payaient». Cependant, depuis cette éclosion d’occupations, de prises de contrôle d’usines et d’intérêt mondial pour les entreprises récupérées, une décennie s’est écoulée. Le processus s’est ralenti une fois passé le point culminant de la crise, les occupations et les prises d’entreprises qui étaient parvenues à rencontrer un écho médiatique se sont raréfiées, au point de ne plus constituer qu’une poignée les années suivantes.

Mais, derrière le silence qui s’est abattu sur ce mouvement, les entreprises récupérées continuent à exister, à produire, à faire vivre des milliers de salariés, et à se développer, à la manière d’un compte-gouttes incessant. Les entreprises récupérées ont rendu palpable la capacité des travailleurs à mettre en fonctionnement des établissements considérés pourtant comme non viables par les capitalistes et la technocratie économique et, par là même, elles ont ouvert la voie à la possibilité d’une économie gérée par la société elle même.

L’ouvrage, écrit par un universitaire qui a accompagné le mouvement dès ses origines, analyse les processus complexes de développement de ces entreprises, en Argentine et dans d’autres pays d’Amérique latine, en dégage l’importance, examine leur viabilité, leur portée, mais également de leurs limites et de leurs problèmes. L’auteur veut ainsi les ériger en entreprises d’un nouveau genre, œuvrant selon une logique économique alternative à celle du capital