État et Développement: Une Réflexion en Pleine Évolution

La question du développement est indissociable de celle de l’Etat. Le débat sur le degré nécessaire d’Etat, sur l’objet de l’intervention de celui-ci est récurant depuis déjà plus de trois siècles. Dès le 18ième siècle, plusieurs visions s’affrontaient : fallait-il laisser le libre-jeu du marché fonctionner (ce qui conduira à une allocation optimale des ressources), comme le préconisaient certains économistes comme J-B. Say ou A.Smith ? Ou plutôt, fallait-il que l’Etat intervienne, notamment pour protéger les industries naissantes ? (cf. F. List).

Pierre Judet, janvier 2001

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Résumé :

La croissance accélérée des pays d’Asie du Sud-Est asiatique a posé un nouveau concept : c’est l’Etat qui a permis un réel décollage économique en guidant les choix économiques, en étant proche des entreprises, en pratiquant des politiques industrielles sélectives et en manipulant les taux d’intérêt au bénéfice des entreprises,. C’est ce qui a été appelé " Capitalism development State « 1 afin de mettre en lumière la collaboration entre la bureaucratie et les entreprises. D’ailleurs, la Banque Mondiale qui pendant de nombreuses années a prôné le libéralisme est revenue sur ses positions en déclarant en 1997 " Un Etat efficace et compétent est préférable à un Etat minimum « , ou encore " un développement sans Etat échouera « .

Cependant, le rôle de l’Etat en tant qu’acteur du développement est souvent mis à mal. Les années 80 ont été symbolisées par les politiques d’ajustement structurel pour les pays en développement. Les recommandations émanant de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International portaient sur un nécessaire retrait de l’Etat. En 1997, les conséquences de la crise asiatique ont révélées les défaillances d’un Etat-pro, d’un développement qui se basait sur une collusion entre Etat, banques et entreprises. Ces relations qui avaient impulsé un développement économique certain, ont trouvé leurs limites à travers la corruption, les banques non indépendantes du pouvoir, les entreprises se laissant aller avec facilité au surendettement et au surinvestissement.

Toutefois, l’opinion générale est que l’Etat est indispensable au développement : le marché ne peut s’y substituer. Il faut cependant une redéfinition du rôle de l’Etat qui doit passer par :

Un Etat stabilisateur

Un Etat garant de la transparence et de la solidité des systèmes financiers

Un Etat toujours à l’affût de l’information

Un Etat prospecteur des voies et des activités du futur

Un Etat organisateur de la solidarité nationale, c’est-à-dire de toutes les grandes infrastructures sociales telles la santé, l’éducation, la formation. L’Etat se doit non seulement de promouvoir les innovations techniques, mais aussi sociales

Un Etat organisateur de la solidarité Nord-Sud

En plus de ces restructurations, l’Etat se trouve confronté à deux résistances : la montée des problèmes globaux et la société civile qui devient un contre-pouvoir de taille.

L’Etat est donc aujourd’hui à un carrefour. Il a à faire face à une redéfinition interne ; il est tiraillé entre le local, le régional, le national et l’international ; les problèmes globaux deviennent cruciaux (changement climatique, environnement, drogue, famine, dette…), et il ne peut plus ignorer la société civile.

Autant de défis que l’Etat aura à relever à l’aube du XXIième siècle.