La démocratisation de l’économie à l’épreuve du collectif. Analyse de la vulnérabilité des engagements de parole au sein d’un « espace public de proximité ».

XVème Rencontres du RIUESS Université de Reims – 27 au 29 mai 2015 « La créativité de l’Économie sociale et solidaire est-­‐elle soluble dans l’entrepreneuriat »

Resumen :

Dans le cadre de cet écrit, nous analysons la fabrique d’une décision stratégique (Germain et Lacolley, 2012; Jarzabkowski, 2005; JCR, 2012; Whittington, 1996) au sein d’une organisation d’économie sociale et solidaire (Defourny et Laville, 1 2007; Defourny and Nyssens, 2012; Gardin, 2006; Laville, 2000, 2003, 2014; Lemaître, 2009; Hillenkamp, 2009). A partir d’une étude des engagements de paroles d’acteurs (Berger, 2008, 2009) en situation de prise de décision collective (Urfalino, 2007), nous interrogeons les modalités d’expression des « demandes de la justice sociale » (Merla et de Nanteuil, 2014) au sein des organisations et leur influence sur le processus de prise de décision. Ce projet nous permet d’approfondir notre compréhension du déploiement du sens de la justice des acteurs au sein des organisations. Il nous permet donc d’adresser la question suivante : Comment les acteurs défendent-ils leurs convictions morales en situation de prise de décision collectives au sein des organisations d’économie sociale et solidaire? Pour ce faire, nous observons les réunions de producteurs actifs au sein d’un dispositif participatif d’une coopérative du secteur agro-alimentaire en Belgique Francophone. Nous nous intéressons plus particulièrement aux débats concernant la thématique de la qualité des pratiques et des produits agricoles.

Bien que le dispositif au sein duquel les acteurs s’engagent réponde relativement bien aux critères d’un « espace public de proximité » (Dacheux, 2003; Fraisse, 2003), nous observons que le débat public ne va pas de soi. L’expérience collective d’un blocage décisionnel nous invite à enquêter sur la « normativité de l’agir en public » (Breviglieri et al., 2009) et, par conséquent, de mettre au jour les « règles pratiques pesant sur les engagements d’acteurs » (Berger, 2009: 12) dès lors qu’ils prennent la parole en public. Pour ce faire, nous profitons du travail de conceptualisation, de théorisation et d’analyse de l’action située développé par les approches pragmatistes en sciences de gestion (Journé et Raulet-Croset, 2008, 2012) et en sociologie (Berger, 2008, 2009, 2011, 2012, 2014; Cefaï, 2007, 2009a, 2009b; Céfaï et Gardera, 2012; Céfaï et Terzi, 2012; Ogien, 2013; 2014, Perreau in Cefaï et Perreau, 2012; Terzi, 2003). A l’issue de ce travail, nous observons que la variabilité des publics, d’une part, et la vulnérabilité des conditions de possibilité du régime de justification, d’autre part, constituent des contraintes non négligeables dans la résolution des problèmes éthiques. Nous constatons notamment que l’usage des compétences critiques (Nachi, 2006) menace le « sentiment primordial du vouloir vivre-ensemble » (Breviglieri, 2009: 125) des membres du collectif.