Relions-nous. La constitution des Liens. L’an 1.

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AA.VV., Editions Les Liens qui Libèrent, Paris, France, enero 2021

Nous vivons une vraie crise de la représentation et donc une vraie crise politique. Nous continuons à interpréter le monde selon des concepts dépassés, un peu comme ces étoiles dont nous admirons l’éclat alors qu’elles sont éteintes depuis bien longtemps… Aujourd’hui, le cœur des savoirs n’est plus la séparabilité, mais à l’inverse, les liens, les interdépendances, les cohabitations.

Cinquante des plus éminents philosophes, scientifi ques, économistes, historiens, anthropologues, médecins, juristes, écrivains…, chacun dans leur domaine, éclairent magistralement cette transition à l’œuvre et émettent des propositions pour mieux la conforter ou l’émanciper. Cette Constitution dessine à la lumière des liens, un nouveau paysage de la pensée, et donc d’une certaine manière, un nouveau corps politique.

Les immenses défi s qui se posent à nous – environnementaux, sanitaires, politiques, économiques, psychiques ou sociaux – exigent que nous pensions, expérimentions et fassions vivre cette transition qui touche à la fois nos savoirs, mais également nos perceptions et nos émotions. La Constitution des liens est une matière vive à délibérer, amender ou enrichir, et une invitation à réapprendre ensemble à dire le monde redevenu infi ni…

RELIONS-NOUS !

Dans un ouvrage collectif, plus de 50 personnalités de la recherche, de la pensée et de l’art, parmi lesquelles Alain Damasio, Delphine Horvilleur ou Baptiste Morizot, appellent à penser le monde autrement, à l’aune des interdépendances.

Il aura donc fallu un virus insoucieux des frontières pour que les mots du généticien Albert Jacquard (1925-2013) résonnent enfin comme une évidence : « La solidarité dans le monde n’est pas d’abord une valeur, mais un fait. Nous sommes solidaires, reliés inextricablement les uns aux autres comme à l’univers dans lequel nous vivons. » Encore faut-il accepter de le reconnaître.

A l’initiative des éditions Les liens qui libèrent, plus de 50 personnalités de la recherche, de l’art et de la littérature unissent leurs voix dans un livre, Relions-nous ! La constitution des liens, l’an 1 (collectif, 218 pages, 10 euros), pour montrer comment les savoirs sont aujourd’hui traversés par cette notion d’interdépendances. L’ouvrage repose sur un postulat : les crises climatique, sanitaire, sociale, économique et psychique signent la fin d’une époque mais aussi d’une pensée héritée de plus de deux siècles de modernité. Les concepts avec lesquels nous continuons à appréhender le monde – la séparation de l’humain et de la nature, le temps linéaire, le progrès infini, l’idée cartésienne de se considérer « comme maître et possesseur de la nature »… – sont à repenser.

Chacun des auteurs, dont Alain Damasio, s’y attelle et présente dans son domaine un bref état des lieux de la mutation qui s’opère, et une série de propositions comme autant d’articles de lois pour une nouvelle « constitution des liens ». Ainsi les juristes Marine Calmet et Sarah Vanuxem invitent à réécrire le droit pour « réanimer » les entités naturelles, fleuves ou montagnes, et les « considérer comme des personnes (…) capables juridiquement ».

Bousculer les fondements de nos sociétés

Les économistes Eloi Laurent et Katherine Trebeck proposent de substituer au produit intérieur brut de nouveaux indicateurs, fondés sur le bien-être humain, la résilience face aux chocs écologiques et la soutenabilité à long terme des systèmes économiques. Les philosophes Corine Pelluchon et Virginie Maris et l’agronome Pablo Servigne appellent à « la souveraineté des animaux sauvages ». Le philosophe Abdennour Bidar et la rabbin Delphine Horvilleur définissent une laïcité qui « ouvre à la dimension spirituelle de la démocratie » pour « faire vivre ensemble toutes les différences de convictions existentielles ».

De ces voix singulières monte une polyphonie puissante qui bouscule les fondements de nos sociétés et esquisse un nouvel horizon politique. Les auteurs doivent se réunir au Centre Pompidou du 4 au 6 juin, pour en discuter dans le cadre du « Parlement des liens ». Le dialogue devrait aussi se poursuivre jusqu’au printemps 2022 avec des mouvements de jeunesse.