Le tourisme coopératif au Québec : un enjeu de développement des territoires

Géographie. Université de Québec à Chicoutimi; Université de Poitiers, 2017

Sylvain Salaméro, 2017

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Summary :

Depuis une quarantaine d’années, différentes formes de tourisme ont émergé et sont souvent considérées comme des opportunités de développement des territoires (Lequin, 2001; Gagnon et coll., 2007; Laurent, 2009; Breton et coll., 2010). Les organismes internationaux, les collectivités et de nombreux chercheurs invoquent un tourisme géré par les acteurs locaux afin de promouvoir un développement qualitatif des territoires. Étonnamment, peu de travaux se sont attachés à explorer ces nouvelles formes de tourisme et leurs effets pour les territoires. Alors que le tourisme est souvent sollicité pour valoriser des lieux en marge, nous nous sommes demandé si le tourisme coopératif pouvait représenter une opportunité pour les territoires. La présente recherche utilise une méthodologie quantitative et d’analyse cartographique. Elle se focalise sur les initiatives locales de mise en tourisme dans le champ de l’économie sociale, comme c’est le cas du tourisme coopératif au Québec qui répond à la problématique de recherche sur le développement territorial. Il s’agit, dans une posture exploratoire, de dresser un premier portrait du tourisme coopératif au Québec et ses effets en matière de développement territorial sous le prisme de la justice sociospatiale. Ces initiatives de mise en tourisme, qui a priori s’inscrivent en rupture avec le tourisme fordiste ou dit de masse, présentent-elles des spécificités et peuvent-elles constituer un modèle alternatif de tourisme et de développement pour les territoires en difficulté? Dans cette perspective, la recherche a été organisée en trois phases. La première consiste à croiser, à l’échelle des régions du Québec, les dynamiques démographiques et économiques territoriales, les dynamiques des coopératives non financières et les dynamiques touristiques afin de contextualiser la recherche, d’identifier les territoires en difficulté et de mettre en évidence les relations entre ces différentes dynamiques. Cette étape de la recherche s’appuie sur des données quantitatives et l’analyse cartographique. Les données secondaires qui couvrent les années 2001 à 2013 proviennent de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et du ministère du Tourisme et les données originales sont tirées des rapports de gestion des coopératives non financières collectés par le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MÉSI) de 2001 à 2013. La seconde phase vise à dresser un premier état des lieux du tourisme coopératif au Québec, puisque celui-ci n’existe pas. Pour ce, les données socioéconomiques des coopératives touristiques ont été utilisées dans une démarche exploratoire de dénombrement, de classification et d’analyse cartographique. La troisième phase consiste en une analyse géographique plus fine. Une méthodologie originale a été déployée pour mettre en exergue les hauts lieux touristiques et coopératifs. Cette démarche permet un autre niveau d’interprétation des données et de confirmer partiellement l’hypothèse principale. Celle-ci postule que les coopératives touristiques au Québec, qui s’inscrivent dans une longue tradition d’économie sociale et d’action solidaire, peuvent constituer un modèle pertinent de tourisme géré par les acteurs locaux pour les territoires en difficulté. La présente recherche doctorale a permis de documenter le tourisme coopératif et de cerner ce phénomène en devenir. Il a été possible d’en apprécier l’ampleur, un certain nombre de ses caractéristiques et de le positionner par rapport aux autres formes de tourisme. Le tourisme coopératif profite plus fortement aux territoires désavantagés. De plus, cette contribution confirme la dimension territoriale de l’économie sociale. Les résultats montrent que dans les territoires considérés comme en difficulté en matière démographique et économique, le tourisme coopératif est surreprésenté. C’est une forme de tourisme qui rejoint des problématiques de développement territorial. De plus, cette forme de tourisme semble participer à un processus de démocratisation de l’économie. Depuis la Loi sur les coopératives de 1997, les coopératives peuvent adopter un statut multisociétaire. Le tourisme coopératif repose aujourd’hui, en grande partie, sur une gouvernance multipartite en privilégiant ce statut. Il s’appuie sur des formes originales de propriété des moyens de production. Il est mobilisé dans les territoires en difficulté, notamment parce qu’il permet de trouver des formes alternatives de financement des actifs touristiques et de générer des emplois. En ce sens, il représente une solution qui peut être envisagée lorsque les acteurs locaux ne disposent pas des capitaux nécessaires à la mise en tourisme des territoires. Pourtant, si les conditions d’un régime territorial partenarial semblent réunies (Lévesque, 2007), la plupart des coopératives touristiques ne produisent pas de produits touristiques spécifiques et ne se différencient pas clairement de l’offre touristique existante. De manière générale, l’économie coopérative est plus concentrée dans les régions en difficulté. De même, l’économie touristique est proportionnellement plus importante dans les territoires en difficulté en comparaison avec la moyenne du Québec. Cependant, l’hypothèse de la capacité du tourisme à générer des dynamiques de peuplement et de captation de revenus, mise en exergue par les travaux sur la théorie de la base revisitée (Talandier et Davezies, 2009), et communément admise dans la communauté scientifique, n’est que très partiellement confirmée par notre étude au Québec. Seuls quelques territoires touristiques se situent dans cette configuration. Dans la plupart, les dynamiques de développement territorial n’apparaissent pas clairement. De nombreux hauts lieux touristiques québécois, parfois séculaires comme Tadoussac ou Kamouraska, perdent des habitants; leurs revenus disponibles y sont inférieurs à la moyenne provinciale. L’originalité du sujet tient au fait qu’il existe relativement peu de travaux sur le modèle coopératif émergent en matière de tourisme et leurs effets sur le développement des territoires. Cette contribution participe en outre à une démarche de dénombrement, de classification et d’analyse cartographique de l’économie sociale dans les territoires.

Sources :

theses.hal.science/tel-01699110v1