Plus mobile, mieux inséré : deux initiatives dans l’est lyonnais, transport à la demande et location de deux roues

juillet 2001

Le manque de mobilité, surtout celui des habitants des quartiers excentrés de l’agglomération lyonnaise, accentue parfois leur « exclusion professionnelle ». A Saint-Fons, deux actions menées à titre expérimental tentent d’apporter des solutions concrètes. Reportage réalisé pour « Actions, la politique de la ville dans le Rhône », publication de la préfecture du Rhône, numéro 17, mars 2001.

« Il faut aller vite. Il faut faire attention. Il y a des radars. Il faut courir de tous les côtés. J’ai besoin d’une heure pour quatre personnes, d’une demi-heure pour deux, d’un quart d’heure pour une ». Ali vient de stopper la voiture. Essaoudi en descend. Elle a fini son travail d’aide ménagère. Nous sommes un mercredi à Saint-Fons. Garage de l’entreprise école.

Une étude diagnostic

L’endroit n’est pas anodin. L’association est novatrice : elle a fait de la mobilité le moteur de sa mission d’insertion. De la gestion d’un parc de cyclomoteurs dès 1995 à la tournée d’inscription dans les ANPE de l’agglomération lyonnaise par autobus, la démarche est antérieure aux réflexions récentes menées par les pouvoirs publics. Cette volonté d’agir apparaît en l998 lorsque la préfecture du Rhône et la Communauté urbaine de Lyon lancent un appel d’offre pour une étude diagnostic - préconisations concernant la mobilité des personnes en difficultés. Le Plie UniEst y répond. Parmi les différentes propositions, deux axes sont retenus : le transport à la demande et la location de deux roues. Un porteur de projet se manifeste aussitôt : l’Entreprise école. L’ensemble a bénéficié des crédits européens Pic Urban.

Ce mercredi matin, Ali et Essaoudi symbolisent, chacun à un bout de la chaîne, ce que peut être l’insertion par la mobilité. Il est chauffeur. Elle est utilisatrice du transport à la demande. Pour dix francs « aller-retour », cette aide ménagère a pu se rendre dans une zone pavillonnaire inaccessible en transport en commun.

Plasticité, simplicité, compétitivité

Question de temps et de maillage. « Sans ce service, je n’aurais jamais accepté ce travail. Il n’y a pas de bus pour y aller. Trois fois par semaine, j’utilise ce mode de transport. C’est pratique, pas cher. On discute, on établit des relations avec les autres ». Ali en rajoute : « Ils sont tous contents. Il n’y pas de problème ». Plasticité, simplicité, compétitivité tarifaire, le principe satisfait l’usager. Deux chauffeurs en insertion alternent la conduite d’une voiture sur une amplitude horaire de douze heures, la durée du service est illimitée, l’itinéraire est construit en fonction des besoins, la prise en charge se fait en deux points de la commune de Saint-Fons. Ce « sur mesure » draine la fidélité des bénéficiaires, principalement des femmes de plus de 45 ans. La formule est un succès. Pour Raphaël Alès, directeur de l’entreprise école, les perspectives sont prometteuses. « On travaille avec un public régulier avec lequel on peut nouer des contacts humains intéressants. Même si le dispositif a été difficile à mettre en place, l’objectif est d’augmenter la flotte. Cette activité pourrait exister dans n’importe quelle entreprise de transport ». L’expérience a généré plus de 5 000 heures de travail pour une vingtaine de CDI ou CDD longue durée. Les résultats ne sont guère contestables. Il n’empêche : les porteurs de projet manquent.

Bruno Trancy, directeur d’Auto-services AD, incarne ces sceptiques. Il rappelle volontiers les échecs passés du transport à la demande et croit davantage au prêt de cyclomoteurs. Depuis juillet 2000, il est ainsi le deuxième propriétaire maintenancier à s’y investir. Il gère une vingtaine de deux-roues disséminés dans les parcs relais de Bron, Décines et Rillieux-la-Pape. Les attributs de l’organisation sont les mêmes que ses concurrents : souplesse et facilité. Les utilisateurs sont intégrés dans un dispositif d’insertion, la demande de prêt est accompagnée d’une fiche de renseignements, le cyclomoteur est emprunté pour 300 francs le mois avec une caution de 500 francs. Pour des résultats aussi flatteurs ? à voir.

Une gestion quotidienne difficile

Bruno Trancy et Raphael Alès dressent le constat. Il est identique. « Le bilan est mitigé souligne le premier. Les chiffres sont positifs en terme d’intégration mais la gestion au quotidien est difficile. Peu d’utilisateurs prennent soin du matériel. J’ai d’ailleurs dû faire face à deux vols dès le lancement de l’activité ». « Notre problème est que le parc soit opérationnel à la demande, ajoute le second. On se rend compte du très mauvais entretien qui est fait des cyclomoteurs. Notre mécanicien passe son temps à réparer et non à contrôler. Nous n’avons aucun recours face à cette dégradation, loin d’être marginale ». Faut-il noter, par ces remarques, l’échec de la responsabilisation induite par les cautions ? Leur faible montant ne représente pas un frein à la mauvaise utilisation d’usagers constitués essentiellement d’hommes de moins de 26 ans.

Cet aspect négatif de l’expérience doit être néanmoins largement contrebalancé par sa réussite : 40 pour cent des bénéficiaires jouissent dorénavant d’un contrat de travail de droit commun. Des chiffres similaires à ceux du transport à la demande. Une problématique à développer sans surestimer leur importance dans l’accès à l’emploi, ces deux actions ont ainsi permis à quelques-uns une sortie plus rapide des réseaux d’insertion. En multipliant les possibilités de satisfaire à des offres de travail, elles multiplient également les opportunités de formation et d’intégration professionnelle. De façon pragmatique, ces deux actions compensent parfois les insuffisances du maillage traditionnel par les transports en commun. Plus généralement, elles questionnent profondément l’importance de la mobilité comme facteur d’exclusion. Pour répondre à cette problématique, des postes transversaux sont créés, comme celui de chargé de mission à la mobilité au sein du Grand Lyon. Béatrice Leyre l’occupe et conclut : « Ces actions démontrent l’existence d’un besoin. Même si nous manquons de recul, nous sommes tous interpellés par les résultats. Les expériences ont donc été reconduites pour un an ».

Source:

Préfecture du Rhône in. Actions, la politique de la ville dans le Rhône, 2001/03 (France), 17, Reportage réalisé pour « Actions, la politique de la ville dans le Rhône », publication de la préfecture du Rhône, numéro 17, mars 2001.

Sources :

D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html