Le trueque argentin au prisme de la dette : une socioéconomie des pratiques monétaires et financière

Thèse de doctorat , Université Paris-Diderot / université Paris Dauphine, Ladyss / IRISSO, ATER, Revue de la régulation [Online], 10 | 2e semestre / Autumn 2011

Hadrien Saiag, 2011

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Resumen :

Résultats:

Au-delà de la diversité des pratiques financières et du caractère structurel du pluralisme monétaire en Argentine, cette recherche permet de dégager trois principaux résultats. Le premier est qu’une théorie de la monnaie ne peut faire l’impasse sur la question de l’émission des moyens de paiement. Elle est en effet au cœur de l’histoire du trueque, puisqu’elle permet 1) de saisir l’originalité du premier réseau d’ampleur nationale (une forme de « fédéralisme monétaire ») ; 2) de comprendre que les scissions qui ont conduit à la constitution de réseaux concurrents remettaient en question le « fédéralisme monétaire » à partir de modèles d’émission centralisée ; 3) de comprendre les ressorts contrastés des crises de confiance éthique qui ont touché la quasi-totalité des réseaux de trueque en 2002.

Une analyse fine des pratiques d’épargne et d’endettement souligne en outre qu’au niveau micro, les modalités d’émission monétaire se traduisent par un accès inégal aux moyens de paiement (deuxième résultat). Ainsi, les participants au trueque ont été, dans leur très grande majorité, relégués à la marge du rapport salarial (à travers l’expansion des formes d’emplois dites « informelles ») et, ce faisant, de l’accès au peso (monnaie nationale). Au-delà de leur participation au trueque, ils mettent en place des pratiques complexes d’endettement et de réification des supports de l’épargne qui leur sont propres, visant compenser leurs difficultés d’accès au peso en leur garantissant un accès minimum à cette monnaie en cas de besoins financiers impérieux. L’accès aux moyens de paiement agit donc comme un élément puissant de stratification sociale.

Cette dernière question se pose avec une acuité particulière dès lors que la monnaie est appréhendée en tant que système d’évaluation et de règlement des dettes, pour deux raisons (troisième résultat). D’une part, car les modalités d’évaluation des dettes sont propres aux sphères monétaires dans lesquelles les transactions prennent place, puisque les « prix relatifs » des différents biens varient considérablement d’une sphère à l’autre (crédito/peso) ; ce faisant, les participants les plus mobiles jouissent d’un accès privilégié aux moyens de paiement à travers leur position d’interface entre les sphères monétaires (via des procédures d’arbitrage), aux dépens de ceux qui ne peuvent tirer profit des interdépendances entre sphères monétaires. D’autre part, et plus fondamentalement, car appréhender la monnaie au prisme de la dette souligne la dimension politique de l’accès aux moyens de paiement : dès lors que la monnaie n’est pas une marchandise commune, mais une créance sur la communauté de paiement, restreindre l’accès aux moyens de paiement à certains groupes sociaux revient à leur accorder un privilège de taille ; de même, les exclure de cet accès revient à les bannir socialement.

Ainsi, cette thèse souligne l’acuité de la question des fondements éthiques et institutionnels d’un accès démocratique à la monnaie dans une perspective institutionnaliste.

Fuentes :

journals.openedition.org/regulation/9411