Les entreprises de dernier type

Etudes de cas du livre Responsabilité sociale et environnementale, 2006

Vincent Commenne, 2006

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Nous présentons ici quelques cas d’entreprises qui se situent au niveau « mission et responsabilité intégrée ». Ce niveau concerne les entreprises spécialement créées pour exercer une responsabilité sociétale.

Patagonia : de l’éco-conception à l’engagement politique (États-Unis)

Cette entreprise californienne spécialisée dans les vêtements de haute qualité de sports de plein air réalise actuellement un chiffre d’affaires de 182 millions de dollars et emploie à travers le monde neuf cents employés. Patagonia est dirigée par son fondateur Yvon Chouinard, un alpiniste écologiste engagé. Cette entreprise affiche une volonté d’utiliser une dynamique économique pour « imaginer et mettre en oeuvre des solutions à la crise écologique », ce qui s’oppose à une industrie du textile traditionnellement très polluante (Laville, 2002).

Patagonia a entamé au milieu des années 1980 un processus de restructuration de ses activités afin de minimiser ses impacts environnementaux : réduction de ses gammes, limitation volontaire de sa croissance et engagement de durabilité de l’entreprise, politique environnementale sur ses sites, éco-conception de ses produits, processus de fabrication écologique (Laville, 2002). L’entreprise utilise du coton biologique pour la fabrication de ses produits. Patagonia se procure ce coton par l’entremise de Beneficila T’s, le plus grand distributeur de coton biologique en Amérique du Nord.

Patagonia participe à des programmes de soutien aux ONG environnementales et a même instauré une « taxe volontaire pour la Terre » : 10 % des profits annuels de l’entreprise sont distribués au monde associatif. Patagonia est aussi engagée dans la conservation des milieux naturels, notamment en Patagonie. Elle soutient l’ONG californienne Patagonia Land Trust et la Fundación Vida Silvestre par d’importants dons.

L’approche de Patagonia s’accompagne d’une démarche permanente de partage de sa vision et de pédagogie de ses engagements avec ses employés, ses partenaires et ses clients.

Triodos Bank : une référence en banque éthique (Pays-Bas)

Un grand mouvement se dessine actuellement au sein des banques européennes pour intégrer dans leurs offres à leurs clients des possibilités d’investissements éthiques (fonds éthiques). En plus de ces fonds, que de plus en plus de grandes banques mettent en oeuvre, il existe un petit nombre d’établissements bancaires spécialisés : les banques éthiques. De toutes celles-là, la plus représentative, et la plus importante, est sans doute la Banque Triodos, originaire des Pays-Bas et présente également au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et en Belgique.

La Banque Triodos est une banque internationale indépendante, spécialisée dans l’octroi de crédit aux secteurs culturel, social, environnemental et de la coopération au développement. Elle a spécialement été constituée (1980) pour répondre au besoin d’instruments financiers donnant la possibilité de contribuer au développement d’entreprises et d’initiatives de haute qualité sociale et environnementale.

Triodos fait passer les projets ou entreprises qui lui demandent du crédit par un double filtre : celui de la viabilité financière et celui de la plus-value éthique.

Cette banque « différente » peut être vue comme une alternative éthique pour l’épargnant et l’investisseur responsable au sens où celui-ci est certain que son argent sera utilisé « positivement » en regard de ses critères moraux. Triodos développe également l’aspect « solidaire » : en effet, le client Triodos a la possibilité de dédier une partie ou la totalité du rendement de son épargne ou placement vers une organisation de son choix. En outre, la Banque Triodos a conclu des partenariats avec un grand nombre d’ONG dans les pays où elle est active.

Le client attiré par la Banque Triodos possède certainement un profil assez « engagé » allant du consommateur responsable qui se fournit en produits bio au petit magasin spécialisé, au citoyen, acteur économique à part entière pour qui le choix du bon sens le conduit à des choix responsables. Le fait que la banque se développe dans plusieurs pays, prouve que la diversité culturelle n’empêche pas un intérêt commun des clients. Triodos connaît globalement une croissance continue de ses activités, de l’ordre de 20 % en moyenne par an. Elle gère (y inclus des fonds spécifiques, tels que le Fonds vert et les Fonds de microcrédit pour le tiers-monde) 2,3 millards d’euros, apportés par 100 000 clients et investis dans quelque 4 000 projets et entreprises à plus value-sociale. Triodos emploie trois cents personnes.

La Guilde pour un développement durable et solidaire au Pays de Liège (Belgique) : un réseau de petites entreprises locales

Cette initiative veut aider à l’émergence d’un nouveau concept commercial : un certain nombre de PME venant de différents horizons (des pôles du commerce équitable, de la filière bio, de l’économie sociale locale, etc.) se regroupent en réseau pour former une Guilde de commerçants qui se réfèrent à des valeurs communes.

On remarque ici trois aspects novateurs : une dynamique initiée par des consommateurs, des entreprises de petite taille impliquées dans une démarche de RSE et une mise en réseau. Chaque partenaire s’engage à marquer une avancée significative sur l’un des trois axes (économie sociale, commerce équitable, filière respectueuse de l’environnement). En outre, tous les participants du réseau conçoivent leur responsabilité sociale sur base des mêmes principes :

  • Solidarité et proximité pour un commerce à dimension humaine,

  • Transparence et relation de confiance entre producteurs, vendeurs et consommateurs,

  • Prévention des problèmes et conscience à long terme,

  • Rendre au travail et à l’argent leur vocation d’outil de développement et non de fin en soi,

  • Remettre l’économie au service de l’Homme. Enfin, chaque commerçant de la Guilde incite ses clients à choisir par préférence les membres de la Guilde.

Tiger Brand : une entreprise canadienne de l’économie sociale

Tiger Brand offre toute une ligne de vêtements confort fabriqués au Canada par des employés syndiqués dans des conditions de travail acceptables. Cette entreprise est une coopérative, où les travailleurs et les travailleuses sont des parties prenantes et intégrées à la structure décisionnelle de l’entreprise. Tiger Brand est une entreprise pionnière en matière de responsabilité sociale en Amérique du Nord. Un nombre important d’entreprises de fabrication de vêtements déclare implanter des politiques socialement responsables, c’est-à-dire qu’ils ne sous-traitent pas aux sweatshops. Néanmoins, il existe peu d’instances indépendantes permettant de valider ces politiques. Tiger Brand travaille en lien avec le Maquila Solidarity Network afin d’encourager la création de législation permettant une certification indépendante de ces entreprises.

Oil Partner : la RSE appliquée à une PME de l’Europe de l’Est

Vue du côté pile, Oil Partner est une PME active dans le secteur de l’entretien automobile qui a trouvé à se développer dans un créneau inédit pour l’Europe de l’Est : fournir des services d’entretien de base aux automobilistes pressés et ceci, rapidement et sans rendez-vous. Vue du côté face, Oil Partner est une initiative vraiment novatrice en matière de responsabilité sociétale de la petite entreprise. L’entreprise a été implantée en 2000 à Bratislava (Slovaquie) suite à une initiative commune de trois investisseurs de différents pays. Ces investisseurs possèdent une spécificité rare : ils sont tout autant attentifs à la rentabilité sociale de leur investissement qu’à sa rentabilité financière. Cela signifie qu’ils arrivent conjointement avec deux paquets sous le bras : du capital à investir dans la création ou le développement d’une PME, et une exigence que l’entreprise en question se développe en observant différents critères éthiques. En l’occurrence, une attention spéciale a été donnée à la vision et la mission de la firme. Quatre groupes de parties prenantes ont été définis comme prioritaires : les clients, les employés, la communauté et les investisseurs. Les valeurs et les objectifs envers chaque groupe ont été identifiés. Des indicateurs ont été définis de manière à donner une mesure du succès ou de l’échec des relations entre l’entreprise et ces parties prenantes.

Concrètement, cela aura comme conséquence pour le client qu’il sera servi aussi rapidement que possible, sans rendez-vous, qu’il pourra regarder (grâce à un appareillage TV) toutes les opérations effectuées sur son véhicule, y compris celles sous le véhicule, qu’il lui sera offert le choix entre différentes marques de pièces détachées, qu’il lui sera demandé son impression et sa satisfaction sur le travail. L’apport à la communauté locale se fera tant sur le plan social, en recrutant des jeunes gens revenant sur le marché du travail après avoir subi un traitement contre l’utilisation des drogues, que sur le plan écologique, en traitant les déchets avec les méthodologies dernières en date et en donnant la préférence à des matériaux recyclés. En outre, la PME ristourne 5 % de ses profits vers la Fondation Integra de manière à ce que celle-ci contribue à d’autres projets. Pour le personnel employé, la démarche RSE sera de procurer à ces jeunes gens des contrats d’emploi à long terme, un système de rémunération transparent et motivant, un programme de formation et des réunions d’équipe régulières. Pour les investisseurs enfin, outre ce que toute PME peut offrir en termes de rendement financier, il leur est proposé une participation active dans la gestion de la firme.

Fuentes :

Ouvrage Responsabilité sociale et environnementale : l’engagement des acteurs économiques publié aux ECLM, Paris, 2006.

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