Le fonds de gestion éthique Ethys

La société Ethys apporte la preuve qu’il est possible de financer dans le respect de l’éthique le développement durable et l’économie solidaire.

Djeneba Ouadeba, março 2002

Dans le cadre de la rencontre internationale « Dialogues pour la Terre » (Lyon, février 2002), Bertrand Fessard de Foucault a participé à la table ronde « Institutions économiques internationales ». Haut-fonctionnaire dans la diplomatie française jusqu’en 1995, Monsieur Fessard de Foucault est actuellement président d’Ethys, une société de gestion de fonds éthiques et solidaires. « Parce que suivre sa morale est plus important que les différents enjeux de pouvoir ou de carrière », il a décidé de s’investir dans le secteur associatif et, surtout, dans ce qui pour lui « moralement acceptable ». La société Ethys existe depuis mars 2001 et a reçu l’agrément de la COB (Commission des opérations de Bourse) en juillet de la même année. Ses fonds proviennent de trois sources : la communauté urbaine de Strasbourg, qui fournit le fonds de partage en provenance de la quasi-totalité de l’Alsace-Lorraine ; les comités d’entreprises, qui apportent le fonds social par l’épargne salariale ; puis quatre personnes individuelles (dont Monsieur Fessard de Foucault), qui démarchent les congrégations, les syndicats, etc. Le fonctionnement de cette société est quasi-associatif, mais son statut est celui d’une société anonyme (SA), une obligation légale pour un fonds de gestion. L’une des spécificités d’Ethys est qu’elle est régie par des règles « éthiques et solidaires ». Ces règles lui servent à se différencier de certaines sociétés de gestion de même statut qui ne pratiquent la solidarité, la préférence pour l’outil social ou la préservation de l’écosystème que d’une manière très accessoire.

Les règles éthiques et solidaires d’Ethys sont ainsi édictées :

  • le capital est éclaté afin de garantir son indépendance,

  • aucun organisme financier, telles les banques, ne peut être actionnaire,

  • les associations sont présentes dans le capital de la société et le conseil de surveillance et sont incluses dans la répartition des bénéfices,

  • les comptes et les coûts de gestion sont transparents,

  • l’équipe dirigeante est subordonnée au conseil de surveillance, composé d’acteurs de l’économie sociale et solidaire,

  • les actionnaires renoncent à 30 pour cent de leurs revenus au profit de projets « moralement intéressants », projets d’insertion sociale et de solidarité.

Ethys n’accepte d’investir les fonds qui lui sont confiés que dans des entreprises possédant une certaine éthique. Ces entreprises sont évaluées par deux associations indépendantes (EIRIS, en Grande-Bretagne, et Ethibel, en Belgique) selon quatre critères principaux :

  • la politique sociale interne de l’entreprise : l’analyse porte sur la qualité de l’environnement professionnel, les attentes des employés et dans quelle mesure elles sont prises en compte par le management (contenu du travail, conditions de travail, relations entreprises/syndicats, etc.),

  • la dimension environnementale de l’entreprise : stratégie environnementale et système de gestion de l’environnement, impact de la production et des produits de l’entreprise sur l’environnement,

  • la politique sociale externe de l’entreprise : la politique et les performances de l’entreprise dans le cadre de ses activités principales, le respect des droits de l’homme et la communication avec les différentes parties prenantes,

  • le potentiel économique et d’innovation de l’entreprise et la qualité de ses relations avec ses fournisseurs et ses clients.

Cette évaluation donne lieu à une notation et à un label éthique, qui n’a été attribué qu’à 250 entreprises jusqu’à présent : seules 20 sont françaises et 85 européennes. Face à la volonté de nombreux dirigeants d’intégrer la dimension sociale et humaine dans leurs politiques, Bertrand Fessard de Foucault déclare : « L’éthique ne doit pas être seulement une étiquette, mais doit aboutir à un discernement précis. Ethys ne fait en cela que rejoindre les aspirations humaines que sont le souci de contrôler son argent et de savoir où il va. »

Commentaire

Depuis quelques années, la société civile fait entendre sa voix dans tous les domaines, qu’ils concernent les droits de l’homme, l’économie, l’environnement ou encore la finance. L’objectif est d’être un contrepoids de taille face aux grands investisseurs, aux entreprises et aux Etats. Ce mouvement remet l’homme et son environnement au centre de toutes les préoccupations, et tente de faire pencher la balance en faveur des plus démunis. Ses actions revêtent plusieurs formes, parmi lesquelles les sociétés de gestion de fonds éthiques. Face aux investisseurs peu scrupuleux, et surtout peu soucieux de la qualité de la vie, il est important d’avoir de tels systèmes d’action. Avoir un droit de regard sur la manière dont est investi l’argent, sur les conditions de travail des employés, sur la gestion de l’environnement, est une manière de s’opposer au diktat du tout économique. De plus, l’initiative d’Ethys permet de se rendre compte que l’éthique n’est bien souvent qu’un concept creux pour les entreprises. Beaucoup s’en servent pour s’attirer les bonnes grâces des consommateurs, simple façade d’honorabilité qui devient (malheureusement) un argument supplémentaire de vente. Le seul bémol à l’activité d’Ethys est son manque de notoriété. Il est dommage que ses activités et les notations des organismes d’évaluation n’aient pas plus de portée. Toutefois, les citoyens ayant de plus en plus faim de transparence, ils feront peut-être en sorte que cet exemple ne reste pas isolé.

Notes

Fiche réalisée lors de la rencontre internationale « Dialogues pour la Terre », à Lyon, du 21 au 23 février 2002. Entretien avec Bertrand Fessard de Foucault.

Entretien avec FESSARD DE FOUCAULT, Bertrand - Ethys, 11 bis rue du Colisée, 75008 Paris

Fontes :

Site web de D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html